Controverse à l'ENA au Tchad:"Certains élèves arrivent à peine à s’exprimer en français"

" La tutelle de l’ENAM confiée au Secrétariat général du Gouvernement et à la Présidence de la République constitue un handicap au fonctionnement et permet des implications politiques ".

Par Toussaint Roasngar Ablaye CEFOD

Cet article a déjà été publié en janvier 2009

Source: Tchadoscopie

Un constat décevant Les années 1970 ont marqué l’âge d’or de l’Ecole Nationale d’Administration. Les années 1980 ont déclenché son déclin et l’École a commencé à perdre son rayonnement et son éclat. Les causes du déclin sont la baisse généralisée du niveau des enseignements universitaires et ses conséquences sur le recrutement à l’école, la crise économique et ses répercussions sur le niveau et la qualification des emplois publics, le tribalisme, la politisation de l’École, etc. Les diplômes délivrés par l’ENAM ne constituent plus une présomption de connaissance. Ils sont perçus par certains élèves comme une porte d’accès à la Fonction publique et précisément aux régies financières de l’Etat pour « se servir ». Les participants à l’atelier de diagnostic ont fait des constats décevants. Les conditions d’accès à l’École se font en violation des textes. Les candidats admis sont retenus, certains, sur le critère de géopolitique donc sans mérite. D’autres élèves sont admis à l’Ecole sans se présenter au concours qui est l’unique voie d’accès à l’Ecole (admission à titre exceptionnel). L’organisation des concours donne lieu à des influences externes des collaborateurs du Chef de l’Etat qui usent de leur position pour intimider la direction de l’Ecole. Le produit de la formation de l’ENAM ne se « vend » plus sur le marché de travail. Certains services utilisateurs préfèrent recruter les lauréats de l’Université de N’Djaména ou de certaines grandes écoles étrangères dont le niveau est nettement supérieur à ceux des lauréats de l’ENAM. Le ministère de la Justice organise la formation des magistrats au Togo au grand dam de la section magistrature de l’ENAM. D’autres ministères aussi forment leurs agents ailleurs qu’à l’ENAM car soit les formations données ne correspondent pas à leur besoin, soit les lauréats de l’ENAM ne sont pas à la hauteur des tâches. En 1994, les lauréats de la promotion de 1992 de l’ENAM ont dû attraire l’État en justice pour obtenir leur intégration à la Fonction publique.

Un encadrement déficient

L’effectif pléthorique des élèves ne permet plus un bon encadrement : 30 en 1986, 147 en 2007. Le niveau est en général bas surtout au premier cycle. Une indiscipline caractérise les élèves du fait de l’absence de mesures disciplinaires adéquates. Les salles de classe et l’amphithéâtre sont équipés de matériels vétustes, la bibliothèque contient des documents dépassés. Les mémoires de fin de formation n’obéissent pas forcément à une méthodologie de recherche scientifique. Les élèves sont livrés le plus souvent à des directeurs de mémoire dont la disponibilité n’est pas assurée. La rédaction de certains mémoires est bâclée lorsque le travail n’est pas fait par une tierce personne. D’autres sont de qualité douteuse et ne renseignent sur rien. Or, les travaux réalisés dans cette perspective visent à éclairer l’administration dans la résolution de ses problèmes. Les soutenances se passent à huit clos et la composition du jury viole les règles académiques et scientifiques. Certains élèves qui arrivent à peine à s’exprimer en français ne sont pas en mesure de présenter leur mémoire. Il existe une note appelée note du Directeur général de l’ENAM dont le coefficient est très élevé et qui ne reflète pas la réalité. Les nominations des directeurs quelques fois ne respectent pas les critères de profil académique. La réforme est devenue plus que jamais indispensable. Selon le Directeur général de l’ENAM, cette réforme est perçue comme un élément clé de la réforme de l’État et de modernisation de l’administration publique. La réforme préconisée est globale et concerne plusieurs points. Les participants à l’atelier ont constitué quatre groupes de travail pour faire un diagnostic approfondi de l’ENAM et dégager des pistes de réforme, pour servir de base de travail au comité technique. Les restitutions des travaux en plénière font ressortir les points saillants de réforme.

L’intrusion de la géopolitique

Les participants à l’atelier ont estimé que la tutelle de l’ENAM confiée au Secrétariat général du Gouvernement et à la Présidence de la République constitue un handicap au fonctionnement et permet des implications politiques. L’Ecole est rattachée à la présidence de la République contrairement aux écoles d’administration d’au-tres pays. Le principe de veto du président de la République conféré dans les textes organiques entraîne une plus grande implication politique sur les décisions académiques et sur le recrutement. Il faut dépolitiser l’Ecole. Le corps enseignant est une des causes du déclin de qualité de l’enseignement dispensé à l’ENAM. Les enseignants ne sont pas tous qualifiés pour l’enseignement. Le corps est constitué beaucoup plus de vacataires dont les critères de recrutement ne sont pas clairement définis. Certains enseignants du fait de leurs attaches à des administrations diverses et des contraintes liées à leurs fonctions ne parviennent pas à se consacrer entièrement à l’enseignement. D’autres par contre dispensent des cours sans rapport réel avec le profil recherché. Il est préconisé pour résoudre le problème de baisse de niveau des élèves du premier cycle de recruter à partir d’un diplôme universitaire de premier cycle. Certaines dérives de l’administration sont les conséquences du déficit de formation des lauréats de l’ENAM qui font de l’amateurisme. Ils ne maîtrisent pas les règles administratives et sont incapables d’établir correctement un acte administratif.

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Autre problème pendant, un citoyen non admis au concours s’est confectionné la tenue des élèves de l’ENAM et a suivi les cours pendant deux ans. Cet individu exige que son nom figure sur le projet d’arrêté des lauréats de la formation quoique l’admission à l’école soit par voie de concours. En dépit de ces problèmes, selon le président du comité technique, Monsieur Ngrabé Ndoh, l’espoir d’un changement est permis.

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