Lettre ouverte au Gouverneur et au Préfet de la Région du Kanem
Monsieur le Gouverneur de la Région du Kanem, 
Vous venez d’être promu gouverneur de la plus ancienne contrée du Tchad. Vous êtes venu chez vous puisque vous êtes notre nana (oncle dans votre langue maternelle), vous le savez bien à moins que vous refusiez. C’est aussi possible. Rappelez-vous votre prédécesseur vous a prévenu de certains dossiers sensibles parmi lesquels celui relatif à la gare routière de Mao où plus de deux cents âmes travaillent quotidiennement pour entretenir leur famille. Cet espace servait aussi de lieu de rencontre publique.
 Pour mémoire, un de vos prédécesseurs, Monsieur NGamaye Djari, nana comme vous, a fait déguerpir des paisibles citoyens pour faire de ce lieu un espace public. C’était pour l’intérêt général et à l’époque personne n’a contesté car les déguerpis comprennent parfaitement le geste nationaliste de leur gouverneur. Les commerçants déguerpis successifs sont : la défunte présidente des femmes de Mao, Mme Hadjé Kilelé (paix à son âme), Allahou Mallah, Abakar Dia, Famille Mahamat Roudah et bien d’autres commerçants.

Le problème de la gare routière de Mao date de plus de vingt (20) ans. En 1973, ce problème couvait et le sous-préfet d’alors était catégorique et l’endroit est reconnu comme espace public de l’Etat. Mais vous, malgré que votre prédécesseur ait attiré votre attention, vous avez préféré suivre le conseil de certains hommes véreux qui ne pensent que du mal de Mao pour attribuer à un commerçant (analphabète n’ayant aucune notion d’une ville moderne)pour implanter une station de pompage d’hydrocarbures au détriment de ces pauvres innocents sans défense. Il y a eu des réactions mêmes écrites de la population mais vous avez ordonné la gendarmerie pour imposer votre décision. C’est bien. Mais qu’est ce que votre protégé a versé au trésor public ou mieux au gouvernorat ? Le commerçant bénéficiaire disait à qui voulait l’entendre que « ce n’est pas difficile d’avoir quelque chose au Tchad si on a de l’argent ». Dans sa tête, la notion d’espace public n’existe pas car il n’est pas né en ville. Pour lui tout espace doit être occupé en conséquence tout refus à sa folie effrénée d’occuper cet espace est interprété malheureusement comme un rejet de sa personne. Et vous, en tant que premier magistrat de la région, vous n’avez rien fait pour le raisonner.

Bien au contraire vous l’avez aidé à s’enfoncer, s’enfoncer davantage dans son aveuglement. Aussi, permettez-moi de vous rappeler certains principes généraux : un domaine public récupéré de la population par le représentant du Chef de l’Etat ne saurait être attribué à un autre citoyen, quelque soient les raisons évoquées, par un maire et un représentant du sultan. C’est juridiquement illégal.

Pourquoi refusez-vous de signer l’acte d’attribution du terrain. En cas de pépin, vous ne savez rien ou mieux ce n’est pas vous n’est-ce pas ? C’est bien réfléchi. Monsieur le Gouverneur, vous êtes un soldat donc un homme averti, Général de votre état, à supposer que vous dirigiez une unité de deux cents hommes. Vous préférez sacrifier toute votre unité pour sauver un individu. Voilà ce que vous avez fait à Mao. C’est ça être un bon chef.Un bon coup de massue à vos nanas. Si Mao n’a pas réagi brutalement comme sous d’autres cieux, c’est parce que vous êtes un Sara (très respecté au Kanem). Rappelez-vous en 1979, au plus fort de la guerre civile, la communauté des sudistes vivant au Kanem était sécurisée, regroupée dans la cour du sultanat puis transportée, sur ordre de notre défunt Sultan, sa Majesté Alifa Ali Zezerty(paix à son âme),à l’arrêt des hostilités (cessez-le-feu), jusqu’au pont de Chagoua(N’Djaména) pour regagner leur famille au sud du pays. C’est un cas unique au Tchad.

Si vous interrogez les témoins survivants vous en saurez plus. En son temps les combattants ne comprenaient pas le geste de sa Majesté. Ce commerçant véreux, qui ne pense qu’au profit personnel égoïste, à qui vous avez ordonné l’attribution de la gare routière peut employer combien de personnes ? Cent, deux, … mille ? Non, il ne peut employer qu’au maximum dix personnes. A votre place, nous réfléchirons mille fois avant de prendre une telle décision. Sachez que vous avez fait le plus grand mal, l’extrême à toutes les communautés vivant en parfaite harmonie à Mao. Vous êtes entrain de nous entrainer dans une crise ethnique sans le savoir. Monsieur le Gouverneur, nous sommes une communauté qui aspire à la paix, rien qu’à la paix. Nous sommes naturellement pacifiques. Ce n’est pas une faiblesse n’est ce pas ? Ne nous faites pas naître ce que nous n’avons jamais connu de notre existence, la révolte, l’hostilité, les ressentiments, etc.

Aussi, sachez Monsieur le Gouverneur que nous ne laisserons jamais passer une telle chose à Mao bien que vous persistez dans votre obstination. Nous vous conseillerons humblement de reconsidérer votre décision pour nous épargner un bras de fer avec le chef. Ça ne fait pas partie de nos traditions. Mon grand frère Sultani (ne vous fâchez pas surtout), Préfet du Département du Kanem, lors de votre promotion nous avons espéré que vous allez contribuer au développement de votre région. Mais malheureusement vous avez été l’artisan de la machination qui consistait à attribuer l’espace public à un commerçant (fut-il votre proche) alors que deux de vos prédécesseurs précisément Maye Moussa Abdelkerim et Ahmat Moustapha avaient refusé et démoli les constructions d’autres commerçants précités. En principe vous devez être comme eux mais malheureusement vous avez été le rouleau compresseur en arguant que les dazaguedas (goranophones) sont lésés à Mao et que vous êtes là, vous préfet de votre état, pour le réparer. Si non comment comprendre que vous savez parfaitement le dossier et le Gouverneur sortant a bien attiré votre attention mais vous avez voulu être au devant de la scène en refusant d’être un digne fils du Kanem. Est-ce que c’est l’espace qui manque à Mao ? En d’autres termes, vous avez seulement voulu monter les Goranophones contre les Kanembophones mêmes si vous refusez de reconnaître. C’est visible. Ça crève l’œil. Ceux qui travaillaient à la gare routière ne sont pas vos ennemis. Ce sont des paisibles et dignes fils de la région n’appartenant à aucune corporation ethnique qui gagnent seulement leur vie. Allez les rencontrer, si vous êtes courageux, ces pauvres innocents à qui vous les avez privés de leur milieu de vie au profit d’un commerçant parce qu’il a un peu de sous et qu’il donne à qui voulait accepter de lécher. Je vous informe qu’il y a un autre espace, le terrain de football, en face de l’école de centre de Mao. Vous n’avez pas trouvé un bon preneur apparemment ? Ce n’est pas comme ça qu’on aide les frères. Vous manquez de manière malheureusement. Mais Mao, c’est d’abord chez vous. Vous devez en être fier au lieu de nous faire la honte.

Cher grand frère (une fois de plus,ne vous fâchez pas), vous me faites penser au cynisme : si par miracle vous devenez Président de la République, vous allez construire votre palais à la place publique devant le Sultanat du Kanem (Maîromi Kentia) si jamais vous ne demandez pas la démolition pure et simple du Sultanat. Avec vous, le pire n’est pas à exclure. Je vous rappelle qu’il y a quelques années, certains de vos frères soit disant dazaguedas comme vous ont écrit noir sur blanc que les kanembus sont venus du Nigéria (royaume de Bornou fondé au 15ème siècle) à une communauté qui a vécu en tant que royaume et ce depuis le 6ème siècle (3ème civilisation au monde après l’Egypte et la Grèce antique). C’est dangereux quand on ne connait pas sa propre histoire. A l’époque nous avons pensé que ceux-là ne connaissaient rien du Kanem par conséquent il ne fallait même pas leur prêter de flanc. Ce qui fut fait. Mais en réalité des forces obscures se cachaient derrière les signataires. Tout ce qui vous reste à faire maintenant, c’est de concocter des alibis pour monter des mensonges politiques comme : les gens de Mao sont contre les dazaguedas (goranophones) ou mieux les gens de Mao s’insurgent contre le pouvoir MPS, c’est une rébellion qui se couve en milieu Kanembophone, etc. pour garder votre poste. C’est cynique mais c’est comme ça. Les services de sécurité s’agitent en attendant l’ordre pour incarcérer l’éventuel qui contesterait la décision de ces autorités va-t-en guerre contre leurs propres administrés. Depuis que le Gouverneur et son Préfet s’entêtent à attribuer de force la gare routière de Mao à leur protégé, nous nous attendons à une réaction des élus du peuple et des hommes politiques mais malheureusement nous ne voyons rien venir. Apparemment ils ont peur de perdre leur privilège. Qu’ils sachent que c’est Dieu qui privilégie l’homme et non le contraire. Quand on ne croit pas bien en Dieu on a toujours une peur bleue. Sa Majesté, Sultan du grand Kanem, votre défunt père n’aurait jamais accepté de telles conneries mettant en péril l’existence de notre communauté. L’histoire est en train d’être réécrite par des individus sans scrupules ne connaissant pas leur propre histoire. Tout compte fait, le Gouverneur et son Préfet sont décidés à refaire le plan cadastral de la ville de Mao. Et vous, en tant qu’autorité traditionnelle, devez intervenir avant que ça ne soit trop tard car nous n’accepterons jamais une telle humiliation pensée et planifiée par les ennemis du Kanem.

Aux population du Kanem, jeunes et non jeunes, sans exception, nous vous demandons d’être vigilants pour faire échec à cette machination pensée, planifiée et montée de toutes pièces par des forces obscures à la stabilité, à l’unité et à la quiétude caractéristiques des communautés vivant dans le Kanem.

Attention au clivage auquel les mêmes forces du mal veulent vous entrainer. Mao, ville cosmopolite doit être protégée quelque soit le sacrifice à consentir. Soyez prudents et attentifs au piège politique des malintentionnés afin de laisser un bon héritage aux générations futures.Mao est la seule ville au Tchad qui n’a jamais connu la guerre et les conflits sociaux. Ça empêche le sommeil aux forces du mal assoiffé de désordres pour de faire une place.

Tout compte fait, nous vous soutenons quelque soit le prix à payer car malgré la distance qui nous sépare, nous n’avons jamais cessé un seul instant de penser à notre terroir sans lequel nous n’existons pas. De ce qui précède, nous prenons à témoins l’opinion nationale et internationale et surtout le Chef de l’Etat que des hommes, aveuglés par le complexe, qui ont en charge la gestion de l’administration territoriale sont pour la plupart à l’origine des certaines indélicatesses sources des conflits sociaux constatés ça et là surtout ceux qui sont nommés chez eux. Ils transmettent généralement des faux rapports pour plaire au chef en oubliant leur première mission, celle de protéger leurs administrés. s'ils vous plait les amis et frères imprimée et la donnée aux intéressés.

Cordialement

Un natif du Kanem
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